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C’est son avis « Ne pas se cantonner au c’était-mieux-avant »

Éric Roux est le porte-parole de l’OCPOP (Observatoire des cuisines populaires). Ancien chroniqueur sur Canal +, auteur et journaliste de documentaires sur la cuisine, il a publié un « Manuel de cuisine populaire ».

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Un lien qui s’effiloche

Le lien entre cuisine populaire et agriculture est simple, évident : c’est l’agriculture et ceux qui la font, qui fournissent notre nourriture quotidienne. Mais il s’est effiloché en une cinquantaine d’années.

Raccorder le pain que nous achetons chez un boulanger à un champ de céréales, ou le poulet prêt-à-cuire sous cellophane, que nous piochons dans un libre-service, au système d’élevage dont nous rêvons, est difficile pour ceux que je nomme les mangeurs plutôt que des consommateurs. Les structures de production et de distribution ont mis à distance celui qui produit pour manger et celui qui fait la cuisine.

Formule magique

De mon passé de technicien agricole, je retiens une phrase, cent fois répétée par les agriculteurs : « Nous nourrissons le monde ». Formule magique, d’un côté parfaitement réelle au regard de la performance de notre agriculture mais parfois justification simpliste des choix politiques et techniques de cette performance.

Partager son savoir-faire

Le lien qui unit agriculteurs et mangeurs n’est pas seulement fait d’abondance, de variété, de prix mais aussi de partage de connaissances, savoirs et culture. Ce dernier mot désigne à la fois la technique de production de notre alimentation et les manières de réaliser notre nourriture quotidienne. Les agriculteurs ne sont pas qu’une force de travail. Ils sont aussi détenteurs de savoirs. L’inquiétude des mangeurs se creuse dans l’absence du partage de ces connaissances. L’expertise d’un éleveur, d’un cultivateur, d’un maraîcher le rend compétent pour expliquer comment, pourquoi et où il produit. Je ne parle ni de « com » ni de marketing, mais de sincérité, de franchise, sans folklore, ni naïveté.

Raconter simplement

La majorité des consommateurs croient que, dans une boîte de haricots verts, il y a obligatoirement des conservateurs, ce qui les inquiète. Non, une boîte de haricots verts, c’est un cultivateur qui récolte le matin pour que sa production soit en boîte par simple appertisation le soir même. Pourquoi ne pas raconter cela ? Nous avons aujourd’hui la possibilité de raconter notre vie, notre travail, notre savoir grâce à des moyens de diffusion accessibles à tous.

La cuisine populaire, une chance

En parlant de « cuisine populaire », nous ne nous cantonnons pas à une vision simpliste du « c’était-mieux-avant ». Les cuisines populaires sont celles de notre quotidien. Et pas seulement les deux ou trois tendances qui font le bruit culinaire ambiant. Il s’agit de ce que vivent les Français d’aujourd’hui, à la maison, en restauration collective ou dans un restaurant à 15 €. Remettre au centre de nos préoccupations cette cuisine populaire, c’est exercer des choix économiques, sociaux et culturels. Et les agriculteurs et leur agriculture sont le socle politique, au sens noble du terme, de ces choix. Ils ont été capables d’inventer une des agricultures les plus performantes au monde. Je suis convaincu qu’ils sont capables de répondre aux nouveaux enjeux de cette nourriture du quotidien.

Jean-Paul Frétillet

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